Icecolor - Emmanuel Ruben

Publié le par Cath

Récit d’Emmanuel Ruben. Peintures et dessins de Per Kirkeby.

Récit d’Emmanuel Ruben. Peintures et dessins de Per Kirkeby.

4 ème de couverture des éditions Le Réalgar :

 

"Cet homme est-il de la confrérie navrante des voyageurs plumitifs ? Cet homme pense-t-il qu’il suffit d’aller s’empoussiérer la semelle pour se ravauder la cervelle ? Non, la poussière est d’or qui le hante encore_; cet homme, que nous voudrions suivre ici, cet homme s’en va chaque année depuis ses vingt ans vers le Nord, carnet de croquis à la main, quêter de sa baguette divinatoire son Graal fantôme ; après quoi il rentre au pays, dessine, grave, sculpte et peint pour de bon ; sur ce, il paraphe en bas à droite PK. Per Kirkeby."

 

Extraits :

 

"p14 : "Et pour qui veut fuir nos bien tristes tempéraments, nos automnes perpétuels, nos petits printemps morts-nés, nos hivers ruisselants de pluie, nos étés trop tièdes, quatre routes sont possibles, quatre routes cardinales. Trois sont anciennes  et balisées jusque dans leurs nombreux détours , jusqu'au fin fond de leurs fossés. Amérique ! Asie ! Afrique ! Route de l'or, route de la soie, route du Nil."

 

p35 : "Et voici que tout à coup, les statues biscornues disposées au centre de la salle semblaient s'animer sur leurs socles, ressuciter du fond  de leurs bronzes, nous encercler, danser en rond leur rituel indien autour de nous - cette oeuvre toute en angoisse était, oui, vivante, nerveuse, douée d'instincts ; ces tableaux, ces sculptures inventaient la nature vivante, la nature à rebours de la nature morte ou still, comme disent les Anglais ; ils célébraient l'intranquilité foncière de la nature."

 

p 38 : "...à vrai dire, on n'a jamais vu d'aquarelle aussi dense, aussi compacte, aussi solide, aussi tumultueuse, on n'a jamais vu autant de volumes se mouvoir sur du papier ; c'est qu'ici on est allé graver, sculpter, modeler, racler, piocher la roche à l'aquarelle - à l'aquarelle pure, cristalline,  à l'aquarelle née des glaces."

 

p 47 : "...l'été là-haut, on ne trouve pas plus de blanc que de noir. Bien au contraire : toutes les couleurs se sont données rendez-vous pour le grand boeuf sur le toit du monde ; tout se mélange sans se brouiller ; tout le spectre lumineux s'arque-en-ciel là-haut sur le globe ; toutes les teintes s'y multiplient tel le soleil les jours de parhélie ; les nuances y sont infinies, infinies les variations de la pierre, de l'eau, de l'air."

 

p 94 : "Oui, rien de plus romantique que nos sempiternels effleurements ; ce n'est pas de vouloir à tout prix frôler la mort qui est romantique ; c'est de passer son temps à frôler la vie, différer sans cesse entre sa vie et la vie, vouloir à tout prix glisser dans cet intervalle ce que nous appelons des raisons  - famille, travail, occupation, divertissement, honneur, argent, patrie - (qui emêchent en réalité) de vivre ; le moins romantique, ici, ce serait de marcher, marcher, marcher, marcher, dans la neige vierge, sur la glace lézardée de zigzags, sans signaux de détresse, sans balise Argos , marcher, marcher, enfoncer ses pas, effacer ses erres, étouffer sa frousse ; et ne jamais faire demi-tour, ne pas même se retourner."

 

Une magnifique et très juste critique là :

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Mon avis :

Je rajouterais qu'Emmanuel Ruben réussit, d'une façon très juste et vivante, à mettre des mots sur ses émotions venant de la peinture de Kirkeby  : on le sent relié avec cet artiste du froid. Aù-delà des références en peinture et en géologie, Ruben exprime sa passion avec force et nous la retranscris parfaitement. C'est la première fois que je lis la description de peinture qui m'emporte aussi loin. A la lecture, on est devant les tableaux !

 

Publié dans Livres

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